Robert Estermann
Announcements, Annonces, Ankündigungen" / Robert Estermann
Pour sa première exposition personnelle en Suisse romande à l’espace d’art contemporain (les halles) de Porrentruy, Robert Estermann réalise deux nouvelles installations sous le titre "Announcements, Annonces, Ankündigungen". Une installation occupant une grande partie de l’espace se présente sous la forme de dessins placardés sur des panneaux d’affichage qui fonctionnent comme les annonces d’une administration publique. L’activité intellectuelle sans relâche de l’artiste ainsi que les questions sociales et politiques qui le préoccupent s’y distinguent. En parallèle, une installation constituée d’ustensile de cuisine, d’une arme et d’inscriptions provocatrices participent au principe de liberté d’expression artistique chère à Robert Estermann. L’art qu’il pratique, illimité, inclassable et d’une simplicité qui n’est qu’apparente, enserrent des propos ambigus qui se situent dans une zone intermédiaire entre le
langage et le signe.
Sous le titre « Announcements », douze panneaux de bois servent de supports d’affichage à de nombreux dessins, conçus spécialement sous forme de fac-similés pour l’exposition. La forme générale de l’installation et la disposition en forme de U des panneaux dans la salle d’exposition se réfèrent au mode d’affichage traditionnel d’un hôtel de ville ou d’une mairie, et jouent le rôle symbolique de forum où sont discutées les affaires publiques. Les dessins de l’artiste y font alors office de messages apparaissant parfois plusieurs fois, les uns à côtés des autres ou dispersés ça et là. Par cette mise en série partielle, l’artiste explore les effets cognitifs et culturels de la répétition et induit une lecture nonorientée de l’oeuvre. Les différents sujets ou motifs deviennent un langage comme l’entendait le linguiste genevois Ferdinand de Saussure (1857-1913), soit la faculté générale de pouvoir s'exprimer au moyen de signes. Cette faculté n'est pas propre aux langages naturels, mais caractérise toute forme de communication humaine (F. de Saussure, Cours de linguistique général, 1995). Souvent les dessins de Robert ressemblent d’ailleurs à des mots ou forment une écriture qui s’apparente à une signature.
La performance du dessinateur Robert Estermann donne lieu à des dessins dénués de toute intention de représenter autre chose que ce que les lignes veulent bien exprimer. Bien que réalisés rapidement, ils reflètent une organisation de la pensée. Des messages « officiels » évoquent certaines prémices de la civilisation: une roue de char, un aqueduc, une fourche. Tantôt ils annoncent le temps: des mouvements impétueux du ciel côtoient nuages et soleils à l’expression naïve mais équivoque, tantôt ils font apparaître de grands visages rudimentaires qui évoquent les affiches électorales. D’autres, « non-officiels », font apparaître des êtres hybrides, légèrement dérangeants. Ailleurs, une représentation de Pinocchio renvoie à l’aspect mensonger de nombreuses déclarations publiques. L’ensemble des motifs présentés rappelle en définitive un des propos tenus par Robert Estermann sur son activité de dessinateur. Scolarisé dans un internat d’Engelberg, il dessinait alors principalement les lignes d’horizon des montagnes et les portraits de ses camarades: « Il y a des visages et le paysage, et tout le reste se trouve entre les deux » déclare-t-il.
L’installation «Sans titre» comprend deux planches à découper en matière synthétique accrochées au mur, exposées comme des objets de décoration. Elles ne sont pas non plus dénuées d’annonces. En effet, ces supports destinés à l’origine à hacher menu ou à frapper la viande sont marqués au crayon des deux déclarations suivantes: « I am equiphile » et « I am ephebophile ». Sexualisées et taboues, elles sont écrites sur les planches dont la couche supérieure est déchirée en partie comme une affiche arrachée. Provocateur, le message s’accompagne d’un fusil appuyé contre le mur, prêt à l’emploi, qui laisse le choix de la cible au potentiel utilisateur: doit-il tuer l’auteur du message ou l’ordre moral?
L’acte de violence est ici édulcoré par la fabrication bricolée, presque naïve, de l’arme somme toute inoffensive. L’installation renvoie à des intérêts constants de l’artiste à savoir les mécanismes du pouvoir et les conventions du langage, sous-tendus ici par le phénomène d’appartenance, le fait d’être différent ou étrange. De ce fait, l’art de Robert Estermann, subtil mais ambigu, s’éloigne le plus possible des normes sociales.
Au final, des associations mentales et des émotions ressortent, s’ « annoncent », que ce soit dans la transposition presque figurative d’un concept abstrait ou dans une expression chargée d’échos politiques et sociologiques qui prend la orme d’une prise de notes. Robert Estermann (1970, Sursee (LU), vit et travaille à Zurich) a effectué sa formation à l’Ecole Nationale Supérieure des Beaux-Arts de Paris, puis en tant qu’artiste en résidence à l’Académie Jan van Eyck à Maastricht. Ses plus récentes expositions ont eu lieu aussi bien à Hong Kong qu’à Paris, Berlin, Madrid ou Lucerne. Il a reçu, entre autres prix, le prix fédéral d’art en 2005, 2007 et 2009, ainsi que le prix Manor en 2007.
Heures d’ouverture
jeudi de 17h à 19h
samedi de 10h à 12h et de 13h30 à 17h30
dimanche de 13h30 à 17h30
en juillet et août ouvert seulement les samedis et dimanches.
Fermé le 1er août.
ou sur rendez-vous 032 420 84 02 / 079 758 33 38
L’EAC (les halles) bénéficie du soutien de
Banque Cantonale du Jura, Bureau technique Brunner, Délégation Jurassienne à la loterie romande, Centre d’impression Le Pays, Municipalité de Porrentruy, Magiks Informatique Delémont. RÉPUBLIQUE ET CANTON DU JURA, OFFICE DE LA CULTURE DU CANTON DE BERNE, POUR-CENT CULTUREL MIGROS, PRO HELVETIA, FONDATION SUISSE POUR LA CULTURE.